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Han Fei Zĭ (ca-280--233) - Le Hanfeizi - Quelques courts extraits

Le Hanfeizĭ est considéré comme un ouvrage politico-philosophique éminent du mouvement légiste. Nourri à bonne école à la pensée confucéenne par son maître Xún Zĭ, l'auteur, Han Fei, fait montre d'une critique pénétrante de Gongsun Long et sa pensée est manifestement imprégnée de la pensée taoïste...



La voie du maître

Toutes choses naissent du Dào, et c’est de lui que s'opère le partage entre le juste et le dévoyé. Le souverain éclairé saisit le sens du cours des choses et sa sagacité va jusqu’à la source de tout. Détenteur de la mesure du bon et du mauvais, il peut régner. Restant vide (Xū) et silencieux (Jìng), il établit l’ordre. Les noms (Míng) trouvent alors leur sens, les charges et devoirs de chacun sont fixés d’une façon naturelle. Le vide permet de connaître les véritables mouvements du cœur ; le silence permet de reconnaître les voies de l’action juste. Les noms naissent de ceux qui ont à parler, les usages s’instituent de ceux qui ont à œuvrer, et noms et choses correspondent. Comment, dès lors, un souverain éclairé pourrait-il être affairé et en proie à l’inquiétude ?
Il est dit : « Le prince garde ses désirs secrets ». S’il ne le fait pas, ses ministres chercheront à le flatter. « Le prince garde ses opinions secrètes ». S’il ne le fait pas, ses ministres galvauderont leur propos.
Il est dit également : « Lorsque le prince ne fait pas étalage de ses goûts et de ses dégoûts, les ministres montrent leur vrai visage. Lorsque le prince ne fait pas étalage de son expérience et de son intelligence, les ministres deviennent prudents et avisés ».
L’intelligence du prince ne lui sert pas à fomenter des plans, mais à laisser chacun prendre la place qui lui est propre. Son action ne consiste pas à asseoir la vertu, mais à observer les raisons qui poussent ses sujets à agir. Son courage ne le pousse pas à la témérité, mais se manifeste dans la puissance guerrière de ses sujets.
Ainsi, en abandonnant l’intelligence, le prince obtient la clairvoyance ; en abandonnant la vertu, il obtient l’efficacité ; en abandonnant la témérité, il obtient le pouvoir. Les ministres sont à leur place et font leur devoir, les fonctionnaires observent les règlements et chacun est employé en accord avec ses compétences : telles sont les marques d’un État stable et serein.
Il est dit : « L’ampleur de son immobilité rend son trône inapparent ; il est comme vide et fuyant – insaisissable ». Le souverain éclairé ne fait rien et se tient au-dessus. En dessous, la foule des sujets s’incline avec crainte.
Telle est la voie du souverain : il fait en sorte que les hommes brillants lui confient leurs plans et se contente de trancher – ainsi, son ingéniosité jamais ne s’épuise. Il fait en sorte que les talents se manifestent et se contente de les employer – ainsi, ses domaines de compétence sont infinis. En cas de succès, le mérite lui en revient ; en cas d’échec, seuls les ministres sont responsables – ainsi, jamais son nom n’est terni. « Aux sujets la tâche, au prince la gloire ». Voici la maxime du souverain.

Le Dào existe, mais on ne peut le voir ; il déploie son œuvre sans qu’on puisse la comprendre. Le souverain éclairé est comme le Dào : vide et immobile, il est sans affaire ; demeurant en retrait, il met au jour les manques et les fautes. Il voit sans être vu. Il entend, mais n’est pas entendu. Il sait, mais n’est pas su. Il voit bien où on voudrait le mener, mais rien ni ne l’altère ni ne le meut. Il considère tout attentivement, et confronte les paroles aux faits. Il donne à chacun sa charge sans discussion ; il régule tout et chacun, entièrement. Il couvre ses traces et dissimule ses fins. L’intelligence et le talent, il les abandonne ; les opinions, il les balaie. Ainsi, ceux qui se tiennent en dessous de lui, jamais ne remontent à sa source.
Tous ignorent où je me trouve en vérité. De cette place tenue secrète, je considère les êtres et les choses, les examine en vérité. Je les tiens dans ma main et les y garde fermement. Je fais cesser les attentes, ruine les idées et révoque les désirs.
Il est prudent, en effet, de garder la porte bien close, pour ne pas laisser entrer les tigres. Ne pas agir avec précaution conduit aux accidents ; ne pas cacher ses sentiments suscite la traîtrise. Ils assassinent leur chef, le remplacent et font bande à part : ceux-ci sont les « tigres » ! Ils se tiennent à proximité des seigneurs, au service de ministres corrompus, espionnant dans l’ombre les moindres gestes, toujours à l’affût d’une faute : ceux-là sont les traîtres !
Les groupuscules sont dispersés et je rassemble autour de moi ceux qui restent. Les portes sont closes et sur elles se brisent l’espoir d’une aide extérieure. Le pays est ainsi libéré des tigres.
Ma grandeur est sans mesure, ma profondeur abyssale. Les noms et statuts sont parfaitement réglés, les lois et les usages scrupuleusement vérifiés, et ceux qui les outrepassent sont exécutés. Le pays est ainsi libéré des traîtres.
Il existe cinq obstructions au règne d’un roi :
– lorsque les ministres contrôlent les informations ;
– lorsque les ministres contrôlent les richesses ;
– lorsque les ministres contrôlent les décrets et édits ;
– lorsque les ministres contrôlent le droit ;
– lorsque les ministres contrôlent les promotions.
Détenir des informations que le souverain ignore revient à lui faire perdre son trône. Lui ôter le contrôle des richesses revient à l’empêcher de récompenser. Décréter et promulguer des édits à sa place revient à lui enlever le pouvoir de châtier. Se substituer à lui pour dire ce qui est juste ou non revient à lui dérober la sagesse. Enfin, promouvoir à la place du roi revient à l’empêcher de réunir autour de lui fidèles et partisans.
Ces cinq piliers que sont les informations, les richesses, les décrets, la justice et la promotion doivent rester le fait absolu du prince. Jamais ils ne doivent passer sous le contrôle des ministres.
Le calme et le retrait sont les trésors de la voie du prince. Il ne s’occupe pas des affaires mais distingue, parmi ses sujets, le talent de l’incompétence. Un chef n’établit pas les plans, mais sait ce qui mène à la fortune et ce qui conduit à la perte. Ainsi, il obtient des réponses sans avoir rien à demander ; il voit les choses se réaliser sans avoir à les superviser. Il prend note des projets ; il prend note des résultats. Puis, comparant les deux, il délivre récompenses ou châtiments. Le prince assigne les tâches en fonction de ce que ses ministres proposent. Relativement à ce qui était demandé, il constate ce qui a été accompli. Lorsque la tâche est accomplie conformément aux vœux initialement formulés, l’homme est récompensé. Lorsque le résultat n’est pas à la hauteur de la mission prédéfinie, l’homme est châtié.
Telle est la voie du souverain éclairé : il veille à ce que chaque mot soit conforme au résultat. Il ne permet pas qu’un ministre parle en vain. Les récompenses qu’octroie le prince doivent faire l’effet d’une pluie de printemps ; elles apportent leurs bienfaits au peuple tout comme les averses printanières font reverdir la terre. Le châtiment qu’il ordonne doit faire l’effet de la foudre qui s’abat. Pas même un dieu ou un saint ne doivent pouvoir l’éviter. Ses récompenses sont justes ; ses châtiments, implacables. Lorsque les premières manquent de justesse, la paresse s’étend ; lorsque les seconds sont timorés, c’est le brigandage qui croît. Si un sujet a du mérite, qu’importe sa condition ou les sentiments du prince à son égard, il doit être récompensé. Les proches du prince doivent craindre le châtiment comme les autres. Ainsi, ceux qui ne sont pas dans ses grâces se montreront zélés et les favoris se garderont de toute arrogance.


Faire régner la loi

Aucun État n’est fort continuellement ; aucun État n’est faible continuellement. Lorsque les serviteurs de la Loi sont forts, l’État est fort ; lorsque les serviteurs de la Loi sont faibles, l’État est faible.
Ainsi, bien que le roi Zhuang de Jing eût réussi à agrandir son royaume en annexant vingt-six pays voisins, cela n’empêcha pas ce dernier de péricliter après la mort du souverain.
Le seigneur Huan de Qi annexa trente pays voisins mais, là encore, la décadence de l’État survint dès sa disparition.
Le roi Xiang de Yan étendit les frontières méridionales de son royaume jusqu’aux rives du fleuve Jaune. Il fit de Ji sa capitale et s’en prit à Zhuo, puis à la place forte de Fang. Il harcela ensuite l’État de Qi et établit sa souveraineté sur le Zhong Shan. Tous ceux qui s’allièrent à Xiang gagnèrent en puissance ; tous ceux qui s’opposèrent à lui devinrent insignifiants.
Mais, malgré tant de gloire, le pays de Yan déclina après sa mort.
Le roi An Li de Wei attaqua Yan pour secourir l’État de Zhao. Il s’empara de la rive orientale du fleuve Jaune, obtint le contrôle des régions de Tao et Wei et envoya ses troupes contre Qi. Il prit la cité de Lu, puis attaqua le Han, conquit la ville de Guan et fut victorieux lors de la bataille de la rivière Qi. Durant la campagne de Suiyang, il poussa l’armée de Chu à l’épuisement par une marche interminable, puis il l’écrasa à Cai et à Zhao Ling. Ses troupes se déployèrent aux quatre coins du monde et son pouvoir s’étendit sur toute la Chine. Malheureusement, encore une fois, à la mort de An Li succéda la décadence de l’État.
Ainsi, sous Zhuang et Huan, les États de Chu et de Qi devinrent hégémoniques. Sous Xiang et An Li, les États de Yan et de Wei connurent la plus formidable puissance. Pourtant, tous ces pays sont aujourd’hui exsangues, cela parce que les ministres et les fonctionnaires ne s’occupèrent que de ce qui mène au chaos, au lieu de se vouer à établir l’ordre.
Lorsque leurs États périclitèrent, ils méprisèrent les lois et s’employèrent à sauvegarder leurs intérêts personnels. Il n’est pas de voie plus funeste; elle revient à jeter du bois sur les flammes pour éteindre le feu. C’est ainsi qu’une période de désordre se meut en catastrophe.
Seul un homme de talent, capable d’écarter le particulier au profit de la Loi commune, est à même de maintenir le peuple dans la paix et d’administrer un pays. Ce faisant, il voit son armée gagner en puissance et ses ennemis s’affaiblir.
Il s’agit donc de repérer ceux qui ont le sens de la Loi et de l’ordre, pour les placer ensuite à la tête de l’administration. C’est à cette seule condition que le souverain se garde des duperies intérieures. Il s’agit aussi de repérer les êtres aptes à juger du véritable poids de chaque chose, pour leur confier ensuite la direction des affaires. C’est à cette condition que le souverain se garde de toute méprise concernant les puissances extérieures.
Ceux qui ne sont promus que sur la base de leur réputation et de leur célébrité ont tendance à dénigrer leurs supérieurs, afin de garder une certaine mainmise sur leurs subordonnés et favoriser leurs partisans.
Lorsque les charges sont contrôlées par des partis, les hommes ne travaillent qu’à asseoir favorablement leur position et délaissent les intérêts publics. Les postes officiels n’étant dès lors plus destinés aux seuls hommes capables, la corruption gangrène l’État et le pays tout entier sombre dans le chaos.
Lorsque la seule réputation entraîne les récompenses, lorsque les seules calomnies entraînent les châtiments, ne demeurent en place que les ambitieux et les lâches ; le souci du bien commun disparaît au profit des intrigues personnelles. Le souverain est oublié ; chacun se met à pactiser pour son propre profit avec les puissances étrangères ; chacun s’emploie à réunir autour de lui des partisans et à promouvoir des favoris. Les subordonnés ne sont plus d’aucun soutien pour leur supérieur.
Appartenir à un parti majoritaire entretenant des complicités extérieures permet de commettre les pires crimes sans jamais être inquiété. Les ministres loyaux risquent la mort et les félons ou les incapables sont promus. Voilà comment on mène un État à la ruine.
Dans pareille situation, les sujets se détournent peu à peu de la Loi. Ils préfèrent dès lors affermir leur position et entretenir leurs réseaux d’influence, plutôt que se consacrer aux affaires publiques.
Bien des hommes puissants et talentueux passent les portes du pays, mais jamais le souverain ne les voit œuvrer au gouvernement. Ils déploient des trésors d’ingéniosité pour faire prospérer leur famille, mais ne font point de propositions qui permettent au souverain d’administrer correctement l’État.
L’administration est pleine de fonctionnaires et il ne s’en trouve aucun qui ait à cœur d’honorer le souverain. Tous les postes à responsabilité sont pourvus, mais il n’est personne qui se sente responsable des affaires publiques. « Maître des hommes » n’est plus qu’un titre. Le roi n’est plus que le pion des puissantes familles.
Il est dit : « Aucun homme ne demeure à la cour d’un pays en ruine ». Cela ne signifie pas que plus personne ne travaille à la cour, mais que ce travail ne sert plus la cour. Les puissantes familles ne recherchent que leur propre enrichissement, non celui de l’Etat. Les ministres attirent sur eux les honneurs, non plus sur le souverain. Les fonctionnaires se cramponnent à leur traitement et assurent leur position au lieu d’accomplir leur véritable devoir. Une telle situation perdure lorsque le souverain ne s’appuie pas sur la seule base de la Loi pour prendre ses décisions, lorsqu’il se laisse influencer par ses subordonnés.


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Zhong Yong   Zhi